Un lieu d’enfermement

Un lieu d’enfermement

Découvrez les différentes utilisations de la citadelle de Doullens tout au long de son Histoire.

Première guerre mondiale

En octobre 1914, une première structure militaire sanitaire française prend place dans l’enceinte de la citadelle de Doullens. L’hôpital est divisé en deux pôles, l’un destiné au traitement de la diphtérie et de la méningite cérébro-spinale et l’autre prenant en charge les patients souffrant de fièvre typhoïde, de rougeole, de scarlatine et des oreillons. Il dispose également d’un centre de neurologie et de psychiatrie. Ce dernier est réparti en cinq unités spécialisées dans plusieurs familles de pathologies, dont la plupart relèvent de chocs post- traumatiques, appelés « syndrome de l’obusite ».

Les français quittent la citadelle de Doullens en mai 1916 pour laisser la place à une unité canadienne, la N°3 Canadian Stationary Hospital. La spécialité initiale de ce service porte sur le traitement des chirurgies cervico-faciales, notamment les blessures au nez, à la gorge et aux oreilles. Néanmoins, l’établissement conserve sa section dédiée aux troubles psychiatriques et des pathologies post-traumatiques. Dans la nuit du 29 au 30 mai 1918, un avion allemand frappe le bâtiment principal, le quartier des officiers, la salle d’opération et la salle de radiographie. Immédiatement un incendie se propage et menace tous les bâtiments de cette aile. Les pertes humaines sont élevées avec 28 morts dont 3 infirmières.

Photo : Soldats français convalescents, au repos dans la citadelle de Doullens le 27 avril 1915. (Fonds Gilles Prilaux)

Seconde guerre mondiale

En juillet 1940, les allemands investissent la citadelle en implantant le Frontstalag N°172. Celui-ci ferme six mois plus tard, en décembre de la même année. Le terme Frontstalag, qui est une forme raccourcie de Frontstammlager, désigne un camp de transit de prisonniers. Ces structures installées en zone occupée étaient une première étape dans le processus des transferts de prisonniers vers les camps allemands. A partir de septembre 1941 et jusqu’en mars 1943, la citadelle devient un camp d’internement français, dirigé par l’administration française, sous l’autorité des forces allemandes.

Un blockhaus souterrain est construit en 1943 dans le bastion « Dauphin », les alliés soupçonnent que ce site joue un rôle important dans l’organisation des tirs de V1. On sait que le centre de Doullens, connu sous le nom de code allemand « Dolhe » et pour les américains répertorié sous l’appellation secrète de « Noball XI-E-7 », ou « Z 3287 », a conservé un rôle de coordination et d’analyse des tirs de V1. Doullens est chargé du suivi des trajectoires et du repérage des points de chute. La station centralise les informations des radars de Quettehou, de Coulombs, de Poix, de Le Tilleul et de Cambrai.

En avril 1944, un détachement SS arrive avec plus de 2500 déportés du camp de Buchenwald dans le but de construire des plateformes de tirs pour V1, mais aussi pour déblayer les villes bombardées. Le site de la citadelle de Doullens était considéré comme un camp principal et avait pour nom de code "SS Baubrigade V".

Photo : Vue aérienne de la citadelle de Doullens en 1947. On distingue en bas à droite du cliché les infrastructures externes du Frontstalag 172. (IGNF)

Les âmes perdues de la citadelle

Après la guerre, la citadelle est de nouveau affectée comme maison centrale de détention pour femmes. Le 19 avril 1957, la jeune Albertine Damien, surnommée Anick, s’évade et se casse l’astragale. Elle est recueillie par un jeune malfrat Julien Sarrazin qu’elle épouse en prison deux ans plus tard. Cette aventure donne naissance à son premier roman L’Astragale. Anick devient Albertine Sarrazin et publie plusieurs romans avant de mourir à l’âge de 29 ans des suites d’une erreur d’anesthésie. Ainsi, le parcours d’Albertine est l'héritage du désespoir, du malheur et de la détresse de l’école de préservation de Doullens. De nombreux témoignages, 25 ans avant l’arrivée d’Albertine, attestent de brimades, de suicides et d’évasions au cœur de la citadelle. Albertine a restitué la mémoire des prisonnières anonymes de la forteresse. La prison ferme définitivement ses portes en 1959.

Photo : Albertine Sarrazin. (Fonds Gilles Prilaux)

Les Harkis, derniers occupants de la citadelle

Les derniers occupants de la citadelle arrivent en juillet 1962. Il s’agit de harkis accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants. Le 5 juillet, la préfecture de la Somme est prévenue de l’arrivée imminente de 1067 rapatriés musulmans, composés de familles de harkis et de civils. Dans l’urgence, la préfecture n’a pas de solution immédiate pour proposer un hébergement à ces hommes, à ces femmes et à ces enfants. Aussi, le préfet ordonne la réquisition de la citadelle de Doullens. Le relogement des familles sera progressif. A Doullens, trente logements préfabriqués permettent d’héberger 111 rapatriés. Mais c’est dans le futur quartier Nord d’Amiens que sont relogés la majorité de rapatriés à la cité de la Briqueterie dans le quartier dit du Pigeonnier.

Photo : Article de presse sur l’arrivée de familles harkis dans la citadelle de Doullens. Cet appel aux dons souligne le grand dénuement de ces familles et en particulier les 300 enfants hébergés dans la forteresse. (Archives de la Somme, 812 PER 171)